En passant par UB

Ulaanbataar - Terelj - Zamin Uud (frontière chinoise), Mongolie // septembre 2018

Il me faudra une matinée pluvieuse sous la tente au bord du Pacifique, mon livre "L'usage du monde" terminé, pour me décider à reprendre la plume. Exercice difficile donc que de raconter la fin de notre voyage en Mongolie alors que nous avons déjà la tête et le reste au Japon, et qu'il y a eu la Chine entre-temps. 

Ulaanbataar : 1 million d'habitants pour 3 millions sur l'ensemble du pays. Étonnante proportion vous me direz pour un pays grand comme 3 fois la France. On la pense déserte mais avec ses yourtes saupoudrées sur tout le territoire et ses 66 millions de tête de bétail, il y a toujours quelque chose à l'horizon ! Pourtant sur la route de Ulaanbataar, ce qui accroche notre regard et "interpelle" nos narines, c'est le nombre de carcasses en putréfaction sur le bas côté. Il faut dire que traditionnellement, les Mongoles pratiquaient l'inhumation céleste pour eux mêmes : offrir son corps de défunt à la steppe et au ciel (loups et vautours). Ça nous a tout l'air d'en être toujours ainsi pour les bêtes, et nous arrivons malheureusement à Ulaanbataar par l'entrée de la boucherie. Avec le mouton comme unique aliment, il en faut pas mal pour nourrir la capitale. On pédale en apnée, nouveau sport assez technique, pour atterrir chez Onon qui nous attend en plein centre. 
Bon j'exagère un peu car à Ulaanbaatar, on ne mangera pas un morceau de mouton. La ville est étrangement moderne, et propose nombre de resto coréen, végétarien ( vous avez dit légumes ?!), fastfood et boulangerie. Après notre régime forcé, c'est la fête des papilles. D'ailleurs à peine arrivés, Onon nous informe qu'il y a beaucoup de nourriture à la conférence qu'elle vient de quitter et qu'on peut y retourner ensemble. Voilà un sacré grand écart que nous faisons là, bien à l'image de la Mongolie et sa capitale. Après un bon mois de vie itinérante au milieu de nomades, nous voilà au 30ème une tour de verre ambiance business : costard, tailleur et poignée de main! On fait table rase sur l'assiette de fromage, et on laisse nos pensées s'envoler vers notre univers de boulot parisien. 

Temples et tours se cotoient



Au black market, on trouve tout, les bottes traditionnelles...

Les chapka en renard veritable

Le paradis du cavalier

Des vélos bien ranges

On trouve toujours le temps de s'amuser

Onon, c'est une belle rencontre et un îlot de confort. Un sourire jusqu'aux oreilles,  elle nous confie son appart pendant ses heures de travail, et le soir on papote tantôt dans le canap, tantôt dans un bar jazzy ou avec ses amies. Elle motive même un ami pour faire un weekend vélo-camping avec nous. C'est la première fois qu'on partage un peu de notre quotidien de vélo avec des gens du coin! On se fait une belle boucle de 150km pour rejoindre le parc naturel de Terelj et le rocher de la tortue. Le soir au menu c'est Khohrog ,la soupe de caillou ou le barbecue mongol : on dispose des pierres dans le feu puis une fois bouillantes, on les mets dans la gamelle pour qu'elles cuisent la viande. On se régale et en bon français on s'occupe des "baguettes". Si Onon et Aran sont des Mongoles de la ville, ils travaillent tous les 2 dans l'environnement, et sont bien au fait des enjeux de l'urbanisme sur leur mode de vie ancestral. Ils sont consternés par l'impact de la rupture du lien à la nature que propose la vie citadine, en témoignent des montagnes de déchets abandonnés par les Mongoles des villes qui viennent faire des barbecues à la campagne. "Quand je pense qu'alors que je voulais me lancer dans un potager près de la yourte de ma grand mère, celle-ci s'était précipitée pour demander la permission à l'esprit de la terre de venir la déranger, on est loin de ça devant ces détritus" nous raconte Onon au coin du feu, après être allée offrir un peu de notre pain à la nature.

Il y a quelque chose comme ça en Mongolie, une sorte de force intérieure qui relie les hommes à la nature. Et de voir Onon qui mène une vie bien plus parisienne que la nôtre avant le départ, écouter cette force nous donne de l'espoir pour l'avenir de la Mongolie et sa capacité à articuler vie nomade et modernisation.

Essayage de Dell avec Onon

Sur la route de Terelj





Le rocher de la tortue

Ulaanbataar : la palme de la capitale la plus moche du monde, la palme de la ville la plus polluée du monde, devant ses voisines chinoises, et la palme de la capitale la plus froide du monde! Et pourtant, nous on la trouve pas si mal cette ville. Peut-être parcequ'on nous propose des choses simples qu'on avait pas eu depuis longtemps : une nourriture variée, des bars, des musées, des livres en français, mais pas de pompe pour réparer notre réchaud...Pas grave on a pris le pli de la cuisine au feu de bois !
C'est donc mieux que ce à quoi on s'attendait, mais un grand écart presque flippant avec le reste du pays : des gratte-ciels de partout. La seule cohérence que l'on retrouve avec la campagne, ce sont les banlieux de yourtes. Elles s'agglutinent par milliers autour de la ville, et par les -40° hivernaux, chaque yourte allume un poêle à charbon, en grande partie responsable du niveau de pollution.

Le début de la banlieue 
Ce temple abrite ...

... Un bouddha de 20 m


Ulaanbataar : on est content d'y revenir après notre excursion à cheval au lac de Khorvsgol. Onon est en déplacement mais elle nous a laissé ses clés ! On en profite encore un peu avant de regagner la steppe, on boit des canons avec quelques cyclos bien sympathiques, puis on doit finalement partir, nos jours de visa étant comptés. Le top départ est donné le jour où une tempête de vent a décidé de sévir. On n'hésite pas beaucoup en voyant que nous l'avons dans le dos. Mais il faut voir les bourrasques. En quittant la ville celles-ci s'amplifient. Le vent souffle si fort que je vois le vélo d'Alexis faire un angle de 60° par rapport à la route pour résister aux rafales. C'est comme un jeu, il faut trouver le point d'équilibre, s'appuyer sur le vent et quand la bourrasque s'arrête, se redresser rapidement pour ne pas tomber.  On prend aussi un peu de hauteur et voilà la neige qui arrive! Nous sommes à la mi-septembre, décidément l'été ne nous aura laissé que peu de répis. Vent + neige + steppe à perte de vue. On ne réfléchi plus, atteindre le prochain bourg à 50km et croiser les doigts pour qu'il y ait un hôtel. La seule manière de ne pas être glacé par le vent est de pédaler. Même les pauses pipi deviennent un véritable choix stratégique.
La tempête ne se calme pas, ça peut durer plusieurs jours. C'est pas très confort parce que le vent est glacial, ( la météo indique 1° ressenti -15°, vent 77km/h de moyenne) mais en terme de vélo on ne se plein pas, on vient de pédaler 3h à 30km/h de moyenne! Et on mesure notre chance quand on croise un cyclo dans l'autre sens : 4km/h de moyenne et souvent plus rapide en poussant le vélo. Selon lui les rafales vont à plus de 100km/h.
Hôtel donc, on est glacé et la tente ne tiendrait dans tous les cas sûrement pas le choc. On trouve un resto-karaoke-motel, sauvé et ce soir on utilisera l'hôtel comme l'utilisent les Mongoles. Je m'explique : nos voisins de piaule Batbaïr et Baïrjlaar, 2 bouchers d'Ulaanbaatar en déplacement, ont décidé que ce serait l'alcool qui les coucherait. On se retrouve rapidement dans leur chambre le ventre vide ( on a pas eu le temps de le remplir avant l'invitation spontanée) à trinquer à coup de bière puis de vodka et à tenter de communiquer sans autre langage commun que le mime. On finira debout sur les lits à chanter à tue-tête un coup français, un coup mongole. Une belle cuite quoi, en l'honneur de Genggis Khan! Heureusement le lit n'est pas loin.



La maison de droite etait deserte, parfait pour une nuit de tempête

Animation dans la steppe

Worltandem, crevaison en tentative de record du monde

Quand on veut s'abriter du vent, les crottes de biquette ne sont plus un problème


Même si la steppe mongole semble infinie, la frontière se rapproche (pas très rapidement tout de même). Et la steppe ça use surtout celle du Gobi. Et oui celui-ci s'étend bel et bien sur tout le sud de la Mongolie. La fatigue se fait sentir, le vent a fini par se calmer puis par tourner. Fin de journée, vent de face, nous roulons à 16km/h et je prend, comme souvent, la roue d'Alexis. Sauf que cette fois je la prend vraiment...Plarf sur le goudron. La chute est impressionnante mais je m'en sors juste avec des bleus. Par contre il semblerait que mon cadre soit un tout petit peu désaxé, comme si chacune des roues roulaient sur des droites parallèles. Bah on a tous un petit pet de travers dans la vie, voilà mon vélo aussi!






Notre dernière soirée mongole à Zamin Ud, à la frontière chinoise, se passe chez le douanier Sukbhat qui a pas mal insisté pour qu'on dorme chez lui. Son fils de 28 ans est sourd, mais cela simplifie beaucoup la communication ! Mime et contact visuel. Il fait aussi beaucoup de vélo. Peu importe sa surdité, il est parti seul à l'aventure, et la Mongolie en vélo c'est une sacrée aventure. Notre douanier nous dégote une douche chaude dans des locaux de la douane avec la chaufferie à charbon de la ville, et une place dans le bus bien ancien des douaniers qui fait les trajets jusqu'à la frontière, en passant prioritaire !

Une file d'attente comme une mêlée de rugby et nous voilà propulsés en Chine, contrôle 0, ça change du Xinjiang !


Bus magique


La Mongolie est maintenant derrière nous depuis déjà 3 mois. La Mongolie c'était rude à beaucoup de niveau : la météo, les conditions des routes, la nourriture, le vent, le désert, les moustiques, le froid. La Mongolie on en avait une image en oubliant le Gobi, on cherchait le vert et le buccolique, et il a fallu le chercher bien  loin. Sur le coup ça n'a peut être pas été le coup de foudre tant la rudesse a pris le dessus. Et pourtant, on se rend compte aujourd'hui qu'on y repense souvent. Sûrement ce mode de vie si étonnant qui résonne encore en nous. Comme si l'espace d'un temps éphémère nous avions touché du bout des doigts cette force, celle de vivre en accord avec la nature. On sent qu'on a senti, mais c'est flou et encore plein de mystère. Et ça nous donne une belle envie, celle de revenir pour creuser et comprendre un peu plus ce mystère.

Commentaires

  1. C'est beau Gaga! On a plus que hâte de rejoindre vos têtes et le reste au Japon et d'écrire quelques lignes avec vous.
    See you dans 2 semaines.
    <3

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  2. D'accord avec vous : Mongolie = pays coup de cœur !
    Par contre, pas bien. On n'avait pas le droit de prendre en photo le grand Bouddha ddor :)

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    1. Oups pour le bouddha ! Heureusement y'a moins de contrôles qu'en Chine ou au Japon !

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