Course pour Shanghai

Pékin-Shanghai, Chine // Novembre 2018

empire du milieu

La semaine passée à Pékin nous permet d'affiner notre itinéraire et la suite de notre voyage. Notre visa court encore un bon mois et nous devons être au Japon pour début décembre, nous attendons avec impatience la visite en terres nippones de Thibault et Mandana et du mini-Armand. Nous pensions faire escale en Corée du Sud avant d'aborder le Japon mais nous gardons finalement cette idée pour plus tard. Nous préférons porter encore un peu notre curiosité sur la Chine, tellement à part du reste du monde, et choisissons d'aller rendre visite à Margaux, une amie-voisine de Saint Étienne, installée à Shanghai. C'est donc décidé notre prochaine étape est Shanghai. Nous n'avons pas de retours de cyclistes sur la route Pékin-Shanghai, mais jusque là nous avons tout réalisé à vélo, nous restons donc sur notre lancée, nous relierons Pékin à Shanghai à vélo. 
Au programme : traverser la plaine du fleuve jaune - Huang he, berceau de la civilisation chinoise, passer les monts Lushan qui virent grandir et mourir Confucius, puis longer la côte et voir à quoi ressemble la mer en Chine.

Si la circulation dans Pékin était étrangement fluide, nous étions comme les petits grains de sable qui viendraient enrayer le rouage. Pas facile d'adopter les codes, tout ça se réglant à grand coup de klaxon et d'agitation du majeur du compère Alexis. On passe sur la sortie de Pékin et la pollution d'un niveau malheureusement stratosphérique. Et cette plaine du fleuve jaune, berceau de la civilisation chinoise, qu'en voit-on? Des champs et des cultures à perte de vue, des "bourgades" de campagne tous les 50 km, sorties de terre tels des champignons, un fleuve effectivement jaune et peu d'endroit pour planter notre confetti. Mais toujours ces multiples boui-boui qui deviennent le focus de notre journée : que va-t-on découvrir de génial dans notre assiette aujourd'hui. Notre appétit gargantuesque est à la taille des repas chinois, des tables remplies de plats de toute sorte. On s'evertue à déchiffrer les ideogrammes des menus et à enrichir notre vocabulaire. Le soir, on a le choix entre des forêts rectilignes : le top du spot bivouac en Chine, ou le carré d'herbe autour des petits dômes des mausolées au milieu des champs. Cette option propose aussi parfois un arbre ou deux pour augmenter le standing, et des restes de feu d'artifice. On aura jamais autant entendu de petard/feu d'artifice que dans cette partie de la Chine. Et en plein jour, la plupart du temps! Pour chasser les mauvais esprits nous dit-on. Mais il semblerait que le gouvernement chinois ait peu d'état d'âme sur l'invention de la poudre, les pétards sont maintenant interdits à Shanghai.


la routine chinoise des recherches de spot camping


soupe de tripe de mouton a 11h avec une start up en deplacement

quand le marchand de sable attend la sieste


Gravir et traverser les monts Lushan nous prendra 2 jours et ceux-ci feront partie de nos meilleures journées de vélos chinoises. D'abord la visite du village de vieilles pierres de Zhoujiao, puis la lente ascension en lacet au milieu de la forêt, traversant quelques villages isolés. Cette journée est marquée par les rencontres : que ce soit au petit resto où l'on arrive miraculeusement à se comprendre par signes avec le patron, la vendeuses de légumes qui nous offre des pommes, Tsang Tchang Sié qui surveillent des ruches situées au col et qui a la patience de nous enseignier quelques mots de Chinois, nous fait goûter son miel et nous force à fumer ses cigarettes mal raffinées malgré plusieurs refus. on apprendra par la suite qu'en Chine une cigarette ne se refuse pas, il faut l'allumer et la laisser se consumer. Le soir un jeune cycliste équipé high-tech nous invite ( chose peu habituelle ) mais sa ville est à l'opposé de notre route. Nous déclinons sans connaître la nuit qui allait nous attendre. Nous choisissons un fourré à proximité d'un parc et d'un lac, dans une impasse. Celle-ci doit etre la promenade préférée des habitants plus originaux et bruyant les uns que les autres. À la nuit tombé, les énormes lettres chinoises qui nous font face, s'éclairent de rouge, illuminant la tente. On rit de notre bêtise.





Tsang Tchang Sie et son miel et ses clopes

sous les neons rouges

Nous voilà déjà sur le "littoral" chinois. Nous devons rouler parallèlement à la côte sur une route du rien empruntée seulement par les camions reliant les industries implantées ici. 

Quelle erreur que cette route! C'est la première fois que même le prix de l'expérience vécue ne nous permet pas d'apprécier cet épisode, qu'on pourrait baptiser "loose".
Pas de vue sur la mer qui de toute façon porte (aussi) bien son nom de mer jaune, pas de villages pour se ravitailler, ce qu'on avait pas prévu après avoir traversé une Chine très maillée, et par dessus le marché une météo à coucher dehors ( C'est bien notre problème...) avec 4 jours de pluie fine mais incessante. Notre seule echappatoire : la course pour Shanghai pour en finir au plus vite, avec l'idée fixe et salvatrice de l'arrivée chez Margaux.
On verra ici ce que personne ne devait voir, ce que personne n'a envie de voir et sur lequel on ferme les yeux : la Chine comme atelier du monde... Au détriment de tout ce qu'on peut inclure derrière le mot "environnement". 
Voilà plutôt ce que tout le monde devrait voir pour se rendre compte de quoi l'homme est capable : des usines recouvrant l'horizon, des cheminées menaçant le ciel, des hommes travaillant dans cet univers déprimant, et un ballet de camion.
Nous sommes submergé par ce spectacle et ressentons tous deux la même envie de laisser échapper des larmes avant de tenter de nous échapper nous même.

promenade des anglais


la photo rend presque joli comparé a la triste réalité...

22 000 km

Coucou Margaux on arrive dans 3h

Soulagement sur la ligne d'arrivée de Shanghai


Chez Margaux, ça fait parti de ces endroits du voyage ou l'on pose nos basques et l'on s'y sent bien. Il faut dire que ce petit cocon se trouve en plein centre de l'ex-concession française de Shanghai. Les boulangeries, boutiques, et les nombreux platanes nous envoient un bon petit vent de France. Œufs à la coque sur le balcon, gratin de pommes de terre, vin et chocolat, nous passons d'agréables moments à partager avec Margaux sur la Chine, la vie d'expat et le voyage. Une dizaine de jours qui passent bien vite et qui nous permettent de faire peau neuve avant d'atteindre le pays du soleil levant.
Pour ceux qui se demandent ce que fait une concession française à Shanghai, une petite lecture de Tintin et le Lotus bleu peut être éclairante.


Les belles vues cachées dont Margaux a le secret

En 1990 c'était un marécage

immeubles neufs et Lilong Shanghaien



grillons de compet'


le Bund, grande place financiere des années 30

Brunch comme a la maison

platane et café de l'ex concession francaise

on y trouve meme de la Bonne Maman et tout et tout


Notre Shanghai à nous, c'est aussi notre dernier regard sur la Chine qui vient s'opposer de manière criante au reste du pays que nous avons traversé. Nous n'avons jamais vu autant de pognon qu'à Shanghai, ni un aussi grand écart avec le monde rural. Quand à la campagne on moissone à la main, on se chauffe au charbon, et on sort en âne, à Shanghai c'est l'ultra modernité, un quartier consacrés aux voitures de luxe, des centres commerciaux pimpants réservés à la haute couture, gratte -ciels illuminés et soirées sur les rooftops, site industriels transformé en Mecque du design et de l'art, chirurgie esthétique et magasins de vêtements pour chiens etc...


on apprécie les galeries d'art et on change de basket

caniche prognate en jean

centre commercial de luxe

expo louis vuitton et pause des ouvriers en poncho

expo instagrammable bien sur

je comprend pourquoi j'ai senti un frolement

accrobranche extreme

C'est sûrement une croissance économique fulgurante à l'origine de telles disparités. Nos anciens s'ils s'en souviennent ont été les témoins du changement fulgurant de la Chine. En 50 ans d'histoire, après avoir été marquée par la seconde guerre mondiale et les affrontements avec les Japonais, elle voit surgir le PC de Mao et se renferme totalement sur elle-même. Avec la politique du Grand Bond, des dizaines de millions de Chinois meurrent de la Grande Famine. Et la Chine est véritablement considérée comme l'homme malade de l'Asie. Dans les années 90, la Chine s'ouvre au monde, poursuit une industrialisation massive, se développe dans la Haute technologie, crée un internet parallèle chinois et prétend aujourd'hui à la place de leader mondial de demain. Ce qui nous frappe est le rapport à l'argent. C'est comme si après tant d'année de communisme à la sauce Mao, les Chinois alors affamés et brimés, libèrent toute leur energie pour faire du business et surtout gagner de l'argent. C'est presque une religion! D'ailleurs sur les marchés de mariage, le salaire est l'information capitale. À nos yeux, le Chine est le pays le plus capitaliste qui soit, teinté d'un communisme de floklore. Mais qui dit capitalisme ne dit pas forcément pays riche. Quand on pense entre autre au système de santé loin d'etre accessible ou que l'eau n'est pas potable, on a plutôt l'impression que la Chine est encore un pays pauvre qui pue le fric.
Des nombreuses dictatures que nous avons traversées, la dictature chinoise nous semble être la seule qui ait litteralement fonctionné : ce qui nous frappe c'est l'impression d'un peuple entier dépourvu d'opinion, qui au nom du développement économique accepte toutes les véléités de son gouvernement. Nous nous retenons de juger ou critiquer, car dans cet environnement, pourrait-on faire autrement ?

Du reste ce qui nous fascine, c'est ce phénomène incroyable d'une société mondialisée en dehors du paradigme américain. "Autre schéma mental" nous dira Margaux, ce qui en fait un pays hors norme où les "laowai" que nous sommes n'ont aucun repère. Et malgré une dictature effective et efficace, il flotte en Chine un vent de liberté. Les règles sont strictes mais le pays reste un bon capharnaum. Par exemple il y a bien un code de la route, mais on peut prendre l'autoroute à vélo. C'est dans les jardins publics que l'on trouve la Chine que l'ont préfère. Ici tout est permis, ce qui laisse place tantôt à la poésie, au défoulement, à la concentration ou au lien social. Les Chinois nous semblent totalement libérés de cette chose qui dans nos sociétés peuvent faire beaucoup souffrir : ici le complexe n'existe pas, pour notre plus grand bonheur!










moustache et danse d'asie centrale

et pourquoi pas le dejeuner en pyjama?

Avant de prendre la mer pour 48h de ferry direction Osaka et le tant cité Japon, nous nous aventurons en train depuis Shanghai vers Huangshan, les célèbres montagnes jaunes (cette fois celles-ci ne sont pas vraiment jaunes). Quelques photos d'un parc naturel à la chinoise...pour vous faire patienter jusqu'au prochain article!

Train de  nuit

les barrieres sont bien basses comparé au précipice





pour les touristes, il y a un téléphérique, pas pour les autres


bousculade de trépied au lever du soleil

nationalisme au sommet

...






dzai jienne, direction Osaka



Commentaires

  1. Sympa de lire ce post et votre regard sur la Chine ! De se replonger un peu dans votre passage à Shanghai :)
    A la prochaine
    Bises

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