Désert... Pas si désert !

Kashan - Sebzevar via le desert Dasht e Kavir, Iran // Fevrier 2018

30 ans pour réaliser que les déserts chauds de la planète ce n'est pas des dunes à perte de vue avec des chameaux en file indienne et parfois des palmiers! C'est beaucoup de pierres et de montagne, mais nous ne sommes pas déçus pour autant, les paysages sont surprenants et grandioses. 
Nos motivations pour cette grande traversée : se retrouver à 2 dans la nature et échapper à l'ébullition des villes et aux rencontres parfois envahissantes, se retrouver seul face à soi même dans l'immensité et laisser notre esprit vagabonder, sentir le vide, vivre le rien, challenger notre mental, gérer nos ravitaillements pour notre "expédition vélo".

De retour de vacances à Kashan, nous préparons cette traversée en commençant par un barbeuc familial du vendredi - équivalent de notre poulet rôti du dimanche, dans d'autres proportions ! - en plein désert. Ici c'est l'activité familiale du vendredi et derrière chaque buissons et petite bosse de sable se cache une nappe remplie d'Iraniens joyeux en pic nic! Et après plusieurs thés, il devient même difficile de trouver un petit coin!

Chef Barbeuc de Compete


C'est parti, nous sommes le 3 février, nous mettons de l'eau dans  notre bosse* et enfourchons nos chameaux d'acier. Si tout va bien dans une semaine environ nous devrions être à Garmeh, vendu comme une oasis de rêve au milieu du désert. Il nous faudra alors une autre semaine pour rejoindre l'autoroute Téhéran-Mashad en traversant 150 km sans ravitaillement possible.
Nous abordons la plaine du sud de Kashan la fleur au fusil. Nous avons une fois de plus de la chance sur la météo, le nord de l'Iran sort tout juste d'une vague de froid et de chute de neige jusque dans le désert ! Il en restera quelques traces, mais nous aurons beau temps. Pas facile de camper dans la plaine, on est jamais très discret et il est difficile de s'isoler du bruit de la route. La nuit tombe, on trouve sur le gong un caravansérail en ruine qui sera parfait pour nous abriter de la vue, du bruit et du vent. Bon, c'est rempli de crotte de mouton mais surtout ces énormes empreintes feront marcher notre imagination. Il y a encore quelques guépards asiatiques en Iran et si les traces sont celles d'un chien, il est tout simplement énorme ! Mais ce n'est pas un chien ni le guépard qui viendra nous tirer de notre sommeil. 23h nous ronflons depuis longtemps quand des phares viennent se figer sur la tente. Alexis est plus prompt, moi ça ne m'a même pas réveillé. Alexis balance des grands Salam pour montrer qu'on est là. J'ai à peine réussi à soulever les paupières que 4 visages curieux s'alignent dans l'ouverture de la tente, et commencent à discuter tranquillement avec Alexis qui tient mieux la baraque. Les 4 curieux repartent aussi vite en prenant soin de faire une jolie trace de pneus tout autour de la tente !




Nous aurons jamais trop de difficulté  à nous ravitailler. Malgré ce milieu hostile, des petits villages viennent ponctuer notre route à minima une fois par jour. Quand nous le pouvons nous faisons étape pour manger dans un village le midi et le soir nous bivouaquons après un village où nous faisons courses et prenons de l'eau. Le midi, nous découvrons dans les "fastfood" Iraniens, les falafels. Servi en sandwich avec des crudités, nous sommes contents de varier des brochettes de poulet (kebab) sur tas de riz. Et surtout le sandwich au falafel coûte 60 centimes d'euros ! Une aubaine pour notre budget serré. Le soir c'est nos traditionnelles "pâtes à l'oignon",qu'on apprécie toujours autant.
Le désert nous repose, on doit avoir l'esprit libre parceque le soir on prend enfin le temps de sortir nos petits jeux de société. Et quand le ciel s'y prête, on sort le bouquin sur les étoiles offert par Erika, (l'Autrichienne rencontrée en Grèce qui avait un observatoire astronomique dans son jardin) et on reluque Orion à la jumelle.



Au 3eme jour, on se prend 30 km avec le vent complètement de face. On avait oublié ce détail. Et si cette traversée devenait interminable avec le vent de face...? Heureusement la route finit par tourner, de belles montagnes se profilent, alors on en profite pour un pic nic. Nous serons incapable d'identifier qu'est ce que cette "cheminée" qui souffle de l'air chaud au milieu de rien? En tout cas ça fait un bon siège. Si nous sommes bien seuls face à la nature et à l'immensité de cailloux, nous rattrapons bien trop vite la route principale qui traverse le Dasht e Kavir, remplie de camions. Si on s'en accommode pendant la journée, pour dormir c'est insupportable. On se croirait sur désert d'autoroutes (vanne d'Alexis longuement mûrie)
Nous pensions trouver ici tranquillité, impossible de s'isoler du ronronnement des camions. Il faudrait s'éloigner au moins de plus de 3 km. A chaque tentative nous abandonnons au bout de 500 m de sable ou cailloux. On fera avec les camions.


Pot au feu?

mystere du desert


Dans les 2 jours qui suivent, on s'émerveille des paysages qui s'offrent à nous. C'est désertique, oui, mais il y a partout de majestueuses montagnes et certaines sont bien surprenantes : on dirait des amas de boue accumulée et entassée. Et malgré le désert, on sent le printemps qui arrive et qui s'installe. Ça bourdonne, ça fourmille, ça bourgeonne, ca verdit, ça fleuri et ça s'éveille. Dans son calme, le désert est plein de vie. C'est dans cet environnement que nous alignerons nos 10 000 km. Et après avoir roulé 90 bornes par jour pendant 5 jours, nous sommes ravis d'arriver à l'oasis de Garmeh, nous sommes envoûtés. Maziar surnommé le roi du désert nous accueille dans sa Guest House. Nous y passerons 2 nuits mais nous avons la sensation d'y avoir passé 10 jours. Le temps est comme suspendu ici. Nous faisons la connaissance de Teddy et Checkie, 2 autrichiens en vadrouille. Nous sommes heureux de pouvoir discuter avec des européens. Nous passons des heures à papoter, parler de voyages et bien d'autres choses. Le soir, Maziar se joint à notre conversation et nous raconte des histoires de désert, de chameau en particulier, on est fan. Le deuxieme soir sera musical. Mention speciale pour la percu sur les pots d'eau.



Photo officielle des 10 000 km


Photo non-officielle : A 10 000... c'etait le deal !


l'orage nous guettera seulement

Garmeh


La source de l'oasis (un chouilla salee)










*** Histoires de chameaux***

.D'abord c'est pas des chameaux mais des dromadaires... En général, dans les déserts chauds ils n'ont qu'une bosse. Les 2 bosses sont réservés aux chameaux des montagnes qui ont besoin de s'adapter à des environnements plus rudes. Mais en anglais il n'y a qu'un seul mot "Camel" pour désigner chameau et dromadaire, de même en farsi "chotor". D'où notre méli-mélo, on préfèrera donc les appeler chameaux !

.Le rêve de Maziar est d'aller jusqu'à Paris en chameau, évidemment ! Mais une mauvaise chute du haut de la bosse l'a paralysé pendant une année, le projet est donc remis à plus tard. Toujours est-il qu'il nous explique que s'il va en chameau à Paris, son chameau pourra rentrer tout seul à la maison, il se souviendra de la route! Il semblerait que les chameaux aient une âme d'astronaute, ils se déplacent en se repèrant aux etoiles. On en est pas encore là !

.Les chameaux sauvages n'existent pas, il n'y a que des chameaux "libres". C'est-à-dire ? On a croisé des troupeaux au milieu de nulle part ! Les chameaux libres sont ceux qui ne sont pas domestiqués. Ils se rappellent de leur maison d'attache. Ils partent en balade parfois pendant plusieurs années mais finissent toujours par revenir.

.Le kebab de vilain chameau, c'est celui qui n'est pas sage et donc qui finit dans notre assiette et ma foi, c'est plutôt pas mal!

. Les chameaux ont une excellente mémoire et sont revenchards. L'histoire de l'ambassadeur : un ambassadeur indien venait en visite à Yadz. Après avoir vaqué à ses occupations, le petit groupe se retrouve à déguster une pastèque non loin d'un camélidé. L'ambassadeur s'amuse à la tendre au chameau mais sans jamais lui la donner et en la mangeant finalement sous son nez. Quelques années plus tard, l'ambassadeur revient à nouveau à Yadz, et croise le chameau. Ce dernier se souvient de celui qui s'est moqué de lui, et se couche sur l'ambassadeur. Personne n'arrive à faire bouger les chameau pour libérer l'homme qui a du mal à respirer. Il faudra que le maître du chameau viennent le maîtriser pour libérer le diplomate.

.Le chameau à une faiblesse juste à l'arrière de la tête. Rien qu'une petite tape peut lui donner le tournis. Une plus grosse le couche! On reconnaîtra un chameau malveillant à ces yeux qu'il fera rouler comme des billes.

.Le chameau peut être plutôt féroce. Celui de Maziar partage sont enclos avec chèvres, lapins, moutons. Une malheureuse chèvre aura mangé avant lui dans sa mangeoire. Celle-ci paiera cher cet outrage à maître chameau. Il l'a saisit par le cou et jeté contre le mur. Maître chameau à déjà 2 chèvres à son tableau de chasse...

.Le dromadaire produit de la laine comme les moutons. Celle ci est très chaude. Si jamais tu oublies ton duvet dans le désert, tu peux dormir avec ton chameau c'est très efficace.

.Les chameaux raffolent des buissons du désert, en particulier ceux qui ont des épines ! Leur bosse peut leur donner une autonomie en eau de 1 mois ( mmm je ne suis plus très sûre)

. Les chameaux aiment la musique ! par exemple, si tes chameaux sont fatigués, tu joues des percussions, ils pourront alors continuer pendant 1 h de plus.

. Comment dire bonjour à un chameau ? Naturellement nous tendons la main vers ses naseaux. Pourtant la théorie de Maziar est de lui rendre plutôt...le bout de notre nez! Comme lui! Sauf que vu la taille de ses mandibules c'est pas totalement rassurant le bisou au chameau.

***




Pour nous il y a un avant et un après Garmeh. C'est comme une psychothérapie : nous pouvions avoir tendance à ne pas être très serein sur cet environnement ; fenecs, chacals, scorpions, guépard, araignées, serpents. Mais apres quelques heures à discuter avec Maziar, tu deviens complètement serein : le désert te semble formidable et l'appréhension des petites et grosses bêtes s'envole.

Nous nous lançons donc dans nôtre deuxième semaine à vélo à travers le Dasht e Kavir. Côté itinéraire, nous ferons un crochet par Mesr, autre oasis avec des dunes de sables, puis une grande ligne droite vers le nord nous attend avec RIEN sur 150 km. De là, nous retrouverons la montagne du Nord de l'Iran et l'autoroute Téhéran Mashad.

Cette semaine nous réserve quelques surprises. Nous rencontrons nos premier.es iranien.nes en vélo de rando, que nous recroiserons 2 jours plus tard un vélo tractant le deuxième suite à un problème de pédale. Malin la corde, pour le coup on y a pas pensé mais nos pédales tiennent la route. En fait, ce qu'on comprend rapidement c'est que c'est les vacances à l'iranienne, 4 jours ou le désert est envahi d'Iraniens en 4*4 profitant de l'espace de liberté que propose le désert. Musique à fond, fête, barbecue, pic nic, alcool, les dunes de sable se transforment en fête foraine avec des tours de 4*4 en montagne russes, passagers hurlant de peur et d'excitation. Nous qui cherchions un peu de quiétude ! Nous plantons la  tente au  pied d'une dune. C'est la quietude pour les yeux mais pas pour les oreilles. En vrai c'est pas très grave, c'est rigolo de pouvoir observer les Iraniens en vacances. D'ailleurs alors que nous roulons au milieu du désert, un 4*4 s'arrête. Mohamed retourne son coffre pour brandir fièrement une bouteille de coca, remplie de vin de son cru. Nous trinquons et il insiste pour nous la laisser et pour nous en faire déguster d'autres chez lui à Mashad. On note, on aime braver les interdits en Iran, un verre de vin ne se refuse pas!

velo tracté

Pic Nic avec les cyclistes

Callenge : faire rentrer dans cette "classic car" 5 iraniens, 5 velos, 10 saccoches et rentrer à Teheran 

Desert tour
Mona et Mohamed de Mashad ; "Salamati" au vin maison






La voilà la dune!

Apero Vina Cola

Et encore une piste!


Alors que nous arrivons à Jandaq, nous préparons nos 2 jours d'autonomie pour "la" grande traversée en priant que le vent soit avec nous. 150 km de vide et de camion. Pas évident pour camper, le sol est tel un lac asséché. Alexis s'est chargé de faire de plein d'eau pour 2 jours mais arrivés au bivouac nous nous rendons compte que l'eau est salée ! Oups et beurk. On va devoir se débrouiller pour demander de l'eau à des camions. Finalement à quelques km de là, une cascade, et des ouvriers qui trifouillent on ne sait quoi. Ils ont une palette de bouteille, ouf problème résolu. La suite est un paysage étrange. Un peu désolant. C'est plat, c'est gris, c'est sans vie, c'est sale! Aussi étrange que cela puisse paraître, la route est parsemée de pneus et de ... Pare brise. Et puis si on observe bien le bas côté,  c'est truffé de petits terriers : on voit des moineaux à crêtes, des écureuils-marmotte du désert, et même un genre de campagnol à la queue très longue et noire au bout. On ne voit pas d'autres explications à la présence de cette faune que les déchets dont se débarrassent les chauffeurs. D'ailleurs malgré l'océan salé et asséché dans lequel nous sommes, nous parviendrons à faire un petit feu de camp avec des bois, tombés du camion !


on pietinera 10 bonnes minutes pour avoir un endroit plat pour la tente

Meditation et picnic


Nos camarades de route, c'est bien les chauffeurs de camion. D'ailleurs à la sortie de cette grande traversée, nos saccoches se sont remplies d'orange ! Avec la générosité des chauffeurs, la récolte est de taille. Certains nous doublent, ralentissent afin qu'on les double à nouveau, et quand nous sommes au niveau de la cabine, une petite main doté d'une orange se tend : orange Drive!


Orange drive au zoom

on trouve refuge dans la cabine pour se proteger du vent. Le chauffeur nous partagera tout : the, repas et meme opium


Alors que nous retrouvons la vie et quelques oasis, une tempête semble se dessiner à l'horizon. Nous sommes loin et avons le vent dans le dos. Celui-ci souffle si fort qu'Alexis fera une pointe à 77km/h. Après ces quelques km euphoriques, nous nous rapprochons de la tempête de sable, puis la route part vers le nord. Le vent souffle si fort de côté qu'il nous est impossible d'avancer. Mon pneu est dégonflé, on fait demi tour vers le dernier village. Heureusement le lendemain le vent tombe et nous permet de continuer. Alors que nous nous rapprochons des villes se trouvant sur l'axe Téhéran-Mashad, une route secondaire et plus directe se dessine sur notre carte. Au moment de bifurquer, on voit que celle-ci est en travaux et est plus ou moins barrée. À vélo, on passe partout, alors on s'y engage. La voilà la solitude du désert ! Il aura fallu attendre les derniers km. 70 km de piste, au cours desquelles nous croiserons qu'une seule voiture, et qui nous mènerons la vie dure. Nous sommes presque content de retrouver l'autoroute et les réseaux de communication. 15 jours sans téléphone, ça fait du bien, mais on est content de se reconnecter.

astuce du berceau-ficelle pendant la tempete de sable


apres avoir trouve le spot le plus tranquille, les camions nous copient...

" boua, allons-y, on verra bien"

on en aura bouffé du sable!


Après ces quinze jours intenses en coups de pédales, cailloux, vent et sable, nous n'aurons finalement que peu expérimenté la solitude et le vide auxquels nous nous attendions. Pourtant il me semble que je peux dire que même si nous sommes parvenus a traverser cette immensité, c'est le désert qui aura eu raison de nous. C'est plutôt la routine à laquelle il nous aura contraint qui nous questionne et attaque notre moral : pédaler et planter la tente, parfois on se demande pourquoi et quoi bon. Mais un  coup de fil à nos familles respectives ainsi que la perspective de semaines qui suivent suffisent à nous rebooster pour de bon!
Quelques jours d'autoroute et nous serons à Mashad.

on a beau avoir rejoint l'autoroute, le desert n'est pas loin


*Merci Lise pour cette bonne blague

Commentaires

  1. Bravo les rois du désert.

    Une maman dromadaire et un bébé dromadaire discutent des choses de la vie :
    - Maman, pourquoi est-ce que j'ai ces énormes pieds avec trois orteils ?
    La maman dromadaire répond :
    - Eh bien, c'est pour ne pas s'enfoncer, lorsqu'on traverse les immensités désertiques.
    - Ah d'accord, répond le fils.
    Quelques minutes plus tard, le fils demande à nouveau :
    - Maman, pourquoi est-ce que j'ai de si longs sourcils ?
    - Ces sourcils sont la pour empêcher le sable de passer sous les paupières, lors des tempêtes de sable.
    - Ah d'accord maman, répond le fils.
    Un peu plus tard, le petit dromadaire revient à la charge :
    - Dis maman, pourquoi est-ce que l'on a cette grosse bosse sur le dos ?
    La maman dromadaire, lassée de toutes ces questions, répond :
    - La bosse nous sert à stocker l'eau, pour nos longues courses dans le désert. C'est grâce à elle qu' on peut se priver de boire pendant plusieurs dizaines de jours !
    - D'accord maman : si je comprends bien, on a des pieds très larges pour ne pas s' enfoncer dans le sable, de longs sourcils pour ne pas avoir les yeux irrités par le sable, et une bosse sur le dos pour pouvoir stocker de l'eau pour lors des longues courses dans le désert, mais alors, maman, dis-moi une chose
    - Oui, mon fils ?
    - Qu'est-ce qu'on fout ici, dans le zoo de Vincennes ?

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  2. Eh bien, vous n'êtes pas privés de désert. Par contre le dromadaire à du mal à avaler son dessert.
    Bonne continuation apres ce beau reportage
    Bises
    Regis

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