Turkmenistan contre la montre !

Turkmenistan // Début mars 2018

Nous voilà arrivés devant l'un des challenges sportifs de notre périple : la traversée du Turkménistan en 5 jours.

Alors pour ceux qui ont un peu suivi notre passage en Iran, nous avons obtenu notre visa de transit turkmen ce qui est déjà une belle chance au vue du nombre de refus de visa qu'effectue l'ambassade.

Nous arrivons à Sarakhs, ville frontière le 4 mars en début d'après midi. 
Nous commençons par faire du change au noir ( seule possibilité) à côté du poste frontière avec des mecs dans leur voiture, ils nous proposent un taux étrange défiant toute concurrence : 15 manats pour 1 euro alors que le taux officiel est de 4 manats pour 1 euro. On hésite un peu et finalement on change 40euros, on verra bien au turkmenistan si notre deal est bon, mais si c'est le cas nous pourrions quitter le pays en ayant gagné de l'argent !
Nous avons aussi le temps de nous ravitailler un peu, de checker les vélos, de passer les derniers coups de fil en France et de préparer quelques articles sur l'Iran... Ils arrivent doucement !

On sait que l'on doit se lever tôt pour ne pas trop grignoter sur les 5 jours impartis, faire les contrôles drastiques de la frontière turkmène, et avoir un peu de temps de pédalage dès la première journée. Mais on se fait prendre par nos coups de fil et la mise en page du blog, et nous nous couchons bien trop tard.


On prepare aussi les etapes previsionnelles pour notre traversée éclair, bien sur on sait que ca va dépendre des routes, du vent, de notre forme, mais ca nous permettra d'avoir une idee de notre retard ou notre avance sur la traversée. On fait tout ca avec notre appli Osmand conseille par Lolo ! On a toutes les infos qu'il nous faut, hotel, restaurant, point d'eau et surtout le dénivelé pour savoir le profil des etapes :


C'est très très plat: aussi peu de dénivelé sur près de 500km on a rarement vu ca, on se dit que ca devrait le faire... Évidemment le 6h08 indique c'est pour les voitures, pas pour nous ... qui mettront pres de 29h de vélo pour traverser le pays.





Les étoiles sont les étapes fixées, les drapeaux sont les endroits où nous avons réellement planté la tente: on s'en sortira finalement pas trop mal
 Les écarts en km que nous accumulerons entre le prévu et le réalisé sont peut être dus à nos compteurs et aussi à nos allers retours pour trouver un spot camping le soir !

1er Jour - Objectif 70km - réalisés 78km
Résultat, on se lève à 7h après une courte nuit de 5h, petit déj et on charge nos vélos pour entamer les contrôles.
En pleine forme pour attaquer notre premiere journée de traversée

On pensait passer la première étape rapidement pour sortir du territoire iranien mais le monsieur tampon de la frontière nous fait poireauter sans raisons apparentes avec des chauffeurs de camion pendant 1h30 ! Ça nous permet de faire nos premières rencontres turkmènes, malgré le fait que nous ne tenons pas en place
Nous traversons le pont faisant office de frontière et les premiers militaires turkmènes nous accueillent, pas très souriant mais surtout très jeûnes, ils ont l'air d'avoir 15 ans avec un bob de cow boy militaire !
On s'approche finalement de la douane et du poste frontière turkmène, les équipements sont étonnamment modernes, prise d'empreinte digitale, photo de reconnaissance faciale, billet de 10 dollars de taxe d'entrée, petit interrogatoire sur notre itinéraire de 5 jours au turkmenistan, on improvise un peu les étapes et un nom d'hôtel, ça passe.
Vient le moment tant attendu des contrôles de tous nos sacs ! Mais pas tout de suite....c'est la pause déjeuner !
1heure de perdue sur notre première journée de traversée, mais c'est quoi cette histoire de pause déj au poste frontière !? Pas de roulement rien ? Non, même pas de toilettes pour patienter...
Les militaires reviennent bien repus et commencent le contrôle de nos saccoches au rayon x comme dans les aéroports, mais surtout à la main au cas où les rayons X n'aient pas détecté ce qu'il faut. On a tellement lu qu'ils fouillaient et questionnaient jusqu'à la moindre chaussette trouée que l'on est un peu tendu... Et finalement le contrôle s'avère très superficiel, les militaires jette rapidement un œil dans chacune des saccoches et on recharge nos vélos au milieu du vaste hall de contrôle de la douane.

Cette fois ça y'est, encore un contrôle de passeport et nous voilà au Turkménistan, il est 14h. Et le vent souffle fort très fort, mais dans notre dos ! Ouf.
Nous hésitons entre 2 routes, une plus petite nous faisant gagner 30km et la principale... Vous devinerez que l'on décide de prendre la petite, raccourci oblige ! Cela nous permet de découvrir le village de Sarakhs mais cette fois-ci Turkmen, et bien, nous sommes bien surpris. Nous avons atterri dans un monde bien différent de celui queqnous venons de quitter : architecture des maisons, habits traditionnels pour les écoliers, visages des habitants, yeux bridés, langue turcophone, tout diffère à seulement 2 km de distance ! En entrant au Turkmenistan, voilà que nous poussons les grandes portes de l'Asie Centrale, que nous allons sillonner pendant quelques mois, laissant derrière nous le Moyen Orient.
Après quelques km, nous voila au milieu de rien. Désert devant et derrière. Nous tombons alors sur un premier checkpoint aux airs de Far West : une bicoque en bois, le silence du désert rt le bruit du vent qui souffle, deux chiens qui ronflent, quelques militaires immobiles d'une quinzaine d'années, chapeau vissé sur la tête et le regard dans le vague. Le chef un peu plus âgé contrôle nos passeports et fait grincer la barrière rouillée. C'est parti pour cette petite route, pleine de surprise et surtout de nids de poules voir même de cratères qui usent nos petits bras et nos vélos. Crevaison en fin de journée sur ma roue avant. 
La route turkmene et ses crateres...

Heureusement la nuit commence à tomber et après 80km (merci le vent) nous tombons sur Bashim, un berger des environs qui nous propose de s'arrêter dans son abri et d'y passer la nuit. C'est ce qu'il nous fallait, ça nous permet de changer de chambre à air et c'est une belle opportunité de partager quelques moments avec des locaux malgré notre traversée éclaire !





La traite de chevre ... un peu forcee


Notre hote Bashim


Nous passerons la soirée à communiquer en Turc, Farsi et gestes, mais on arrive tout de même à partager un bon moment autour d'un thé bien chaud et d'une potée aux choux.


2eme jour, objectif 110km - realises 126km
Après une courte nuit aux côtés de Bashim, son réveil sonne, 6h du matin ! On a du mal à se réhabituer à ces réveils aussi... matinaux. Mais ça tombe très bien car nous avons encore un petit paquet de kilomètres à avaler, alors après un petit déj de berger, confiture de pruneau, beurre et pain moisi nous voilà sur la route cahotique à 8h... 




On espere franchement retrouver une vraie route car sinon ca va etre complique d'enchainer les km restants

Sauf que cette fois le vent a tourné et on se retrouve avec le vent pleine poire à lutter pendant les 30 derniers kilomètres de cette route interminable. Ouf revoilà le bitume, le vrai, mais le vent lui s'intensifie.
Après une courte pause soupe de raviolis, nous sommes prêts à affronter le vent, Gaëlle prend ma roue, et on finit par atteindre la ville de Mary. On en profite pour se balader dans la ville et le marché. La pause est rapide car la nuit arrive et on sait que ça va être compliqué de trouver un spot bivouac à la sortie de la ville.


Nos petits velos dans la ville moderne de Mary






Sortie de marché
On aura bien avancé et on atteindra le point que l'on s'était fixé pour ce 2eme jour, mais après 8h de lutte (record de temps battu !), le pédalier de Gaëlle commence à faire des siennes et prend du jeu. C'est le genre de soucis mécanique dont on se passerait bien pendant cette traversée. Évidement on n'est pas équipé pour ce type de réparation, alors on envisage déjà de se faire livrer un nouveau pédalier au Tadjikistan avec l'arrivée du frère de Gaëlle dans 5 semaines, mais est ce que le pédalier tiendra jusque là...
En attendant on installe notre bivouac qui laisse un peu à désirer, au milieu des champs, des grenouilles et de la route voisine mais on s'endort sans passer par la case bouquinade.


3eme jour, objectif 125km - realises 105km (aie)
Le réveil sonne encore bien tôt, le vent souffle sur la tente. On pointe le nez dehors, le vent n'a toujours pas l'air d'être avec nous, dommage car notre programme de cette 3eme journée est bien chargé avec la visite de ruines historiques sur notre route et 110km à avaler.
En regagnant la route, on passe par un garage voiture, en pensant tenter un coup d'épée dans l'eau. En effet, on pense que c'est tout le pedalier qui est desserré, et que notre opération sera sans succès et finalement en resserrant l'axe de la pédale le jeu disparait ! Et en plus on à la clé qui va bien avec nous ! Ouf me voilà un peu rassuré.
Nous voilà repartis sur nos fidèles destriers cheveux au vent... De face toujours.

La visite du site de Mary, ancienne cité antique se fait très bien à vélo, le site faisant plusieurs kilomètres, ça nous fait du bien de faire un peu de tourisme au milieu de ce marathon. 





On en profitera même pour reprendre des forces dans un resto yourte délicieux et redécouvrir le plaisir d'une bonne bière fraîche !

On repart toujours vent de face, et après une longue après-midi jusqu'à la nuit tombée on pédale, mais pas autant que prévu, on aura 30km a rattraper sur les 3 prochains jours, on espère que le vent tournera


4eme jour - Objectif 110km et 30km en plus à rattraper - réalisés 140km
Ce matin du 4eme jours les courbatures se font bien sentir, mais cette fois, le vent a l'air d'avoir enfin tourné un peu, allons nous pouvoir rattraper notre retard et surtout moins pousser sur les pédales avec ce vent qui nous donne des ailes ?
Quel bonheur de filer à 26-27km/h sans effort malgré une route.... Irrégulière on va dire.
Notre test vent



Du coup on prend une pause déjeuner bien méritée après plus de 90km avalés en à peine 4h !
Après un tel effort, on se dit qu'on prendrait bien une petite douche, car avec la transpi et l'humidité de la nuit ... Ça colle un peu, et malgré nos lingettes miracles ça pègue toujours ! 
On fait notre traditionnelle pause ravitaillement eau avant de trouver notre spot pour la nuit. On s'arrête donc dans le seul resto de la route avant Turkmenabat, on tombe sur Victor, un russe d'une soixantaine d'années qui est venu au Turkmenistan il y'a déjà quelques dizaines d'années. Et la v'là t'y pas qu'il nous propose de l'eau chaude !!! Nickel pour notre douche du soir, quelle bonne idée ! Il était temps. Ça nous rappelle les douches dans la nature de cet été à l'eau froide, mais cette fois on est bien content de la prendre chaude. On va donc pouvoir se reposer presque propre après notre journée record de 140km !


5eme jour - Objectif 60km - realises 60km + 20km en Ouzbekistan, c'est bonus ! 
Notre dernier spot camping dans le desert turkmen
Dernier jour de notre épopée turkmène, on se lève tôt au cas ou le vent, la route, nos vélos ou la frontière nous jouerait des tours. Encore une fois le vent est avec nous, tant mieux on va donc pouvoir profiter d'un peu de temps au déjeuner pour se balader dans la dernière ville avant la frontière, Turkmenabat. 
Après une courte matinée, on découvre donc cette ville bien animée surtout autour du marché. On se fait inviter par un turkmen travaillant en Allemagne à quelques samoussas, sorte de beignets fourrés à la viande de mouton, puis on se pose prendre le thé et manger des mantis, raviolis locaux... à la viande de mouton évidemment !


Le retour de la cochonaille sur les etalages, ca fait plaisir !


Les biscuits au detail, on tente le coup, mais ils sont un peu mollassons






On nous a dit au marché que la frontière était ouverte 24h/24, d'autres nous ont dit qu'elle fermait à 18h, du coup on part à 15h de Turkmenabat pour faire les derniers 20km qui nous separent de l'Ouzbékistan, cette fois le vent de face, décidément !
À la frontière, on tente de changer nos derniers manats, on se dit qu'on va meme peut etre gagner des sous avec le taux incroyable de notre entrée. Finalement on arrive tout juste a changer nos manats au taux officiel avec une turkmene pas tres officielle faisant des allers retours en voiture selon la presence ou non de policiers. Mitaines en laine sur le volant elle nous fait signe de venir et on change nos manats en dollars sous l'oeil d'un policier a qui ca ne semble visiblement pas poser probleme ! Change assez improbable. L'enrichissement c'est donc pas pour cette fois, il aurait fallut faire notre change de sortie en banque, mais nous n'avons pas eu le temps.
Nous repassons aux controles de bagages turkmen avec nos velos et tous nos sacs passent au rayons X sans encombre, coup de tampon de sortie et ca y'est le Turkmenistan c'est deja fini.

Le passage fut express, ce fut sportif et plein de rebondissements dès le debut de notre traversee, on aurait aimé rester plus longtemps dans ce pays qui nous a parru si étrange et different de l'Iran, au niveau religieux, vestimentaire, gastronomique. On en redemande mais ca sera pour une autre fois peut être, si le pays s'ouvre un peu plus au tourisme ... c'est pas gagné !



Maintenant direction Boukhara pour se reposer

Quelques extravagances turkmènes :
On le surnomme la Corée du Nord d'Asie centrale. Faut dire qu'en 28 ans d'existence, cette république aura connu 2 sacrés zigotos à sa tête. Le pays vit totalement replié sur lui-même. Niazov, le Turkmenbashi, (père de tous les Turkmènes) a choisi de renommer les mois du calendrier par des noms de membres de sa famille. Son successeur est fanatique de la couleur blanche. Il aura même decide de mettre les véhicules noirs en fourrière avec autorisation de sortie uniquement sur preuve de peindre le vehicule en blanc. Le système éducatif consacre 18 h par semaine à l'étude du Ruhmana, livre sacré à la gloire du Turkmenbashi, et écrit par lui même. Le 8 mars, journée de la femme, est ferié et fêté dans tout le pays, ce n'est pas pour autant que ces dernières ont gardé le droit de conduire! Le president a décidé qu'elles etaient responsables des accidents de la route!

Commentaires

  1. Quelle épopée ...haletante !....ce Turkmenistan !
    avec ses extravagances effectivement déconcertantes
    et son vent souvent très " taquin " ....pour être poli !
    Bravo pour avoir réussi cette course contre la montre...redoutable !
    Reposez vous bien maintenant à Boukhara
    et comme on dit dans le bas Berry : ....Enjoy !!!
    Grosses bises tendres de Tonton Jean avec tous mes encouragements

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    1. Merci tonton, on s'est bien reposé depuis quelques semaines et on a remis ça dans les montagnes tadjik et kirghiz... Histoires à venir !

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  2. "cheveux au vent... De face toujours."

    ça a repoussé depuis votre départ Alexis ?! :)

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    1. Ça résiste toujours malgré le vent et les douches aléatoires ;-)

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  3. Encore une belle prouesse, contre la montre, contre le vent, et pour reprendre une vieille devise de soldat " en avant toujours, repos ailleurs"
    Encore bon vent, si vous en manquez un peu!
    Bises
    Regis

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  4. Bel acte de bravoure pour avaler ces 5OO kms en 5 jours contre vents incertains.
    Encore un beau défi que vous avez su gérer avec humour, courage et organisation.
    Pas de doute, ces reportages seraient dignes de figurer au "Festival de Cannes"....
    Allez, encore bon vent, mais dans le dos, pas de face surtout...
    Bises
    Lydie

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  5. C'est bien ce petit défi, ça permet d'avancer un peu plus vite... ou pas ! Bien content de vous savoir toujours motivé et en mobilité ! Grosses bises à tous les deux !

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    1. Ouais, les deadlines de visa nous font avancer un peu plus vite, ça va être le cas aussi dans les semaines qui viennent si on a la chance d'obtenir notre visa chinois... Suspens !

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  6. Bonjour les amis, je viens seulement de vous lire car j’étais partir fire un petit 3000km loin de votre performance. En tout cas je me régale a vous lire. Felicitations pour vos exploits. À bientôt pour lire vos nouveaux parcours.
    Alainenvadrouille

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    1. Y a pas de "petite performance !" Chouette ça, tu étais dans quel coin? Elle est loin la ligne droite d'Orléans sous l'orage!

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