Pamirs d'avril - cette fois on y est!

Tadjikistan, Kalaikum - Kirghistan, Sary-tash via la Pamir Highway M41 // Avril 2018

Kalaikum. Maxime nous retrouve après quelques mésaventures mais sans encombre ! C'est chouette de se retrouver après 11 mois de voyage. Nous prenons la journée pour savourer ce moment et montons tout content nos pneus et chambre à air neufs que Maxou nous a apportés. On se lance à 16h pour 3 semaines de vélo et d'altitude. Nous devons d'abord rejoindre Khorog, ville marquant le début de l'ascension pour le haut plateau. Pour celà, nous remontons la vallée du Panj pendant 5 jours et longeons par la même occasion la frontière avec l'Afghanistan. Les paysages sont très beaux et très marqués. La montagne est écrasante, la rivière tumultueuse. Le côté afghan dévoile de charmants petits villages aux maisons à toit plat, baignant dans des oasis de verdure éclatant. La piste afghane s'accroche avec insolence à la falaise.  Alors c'est ça l'Afghanistan... les uniques images nous venant à l'esprit étaient noires, poussiéreuses, tristes et violentes. Nous découvrons de la couleur, du calme, des gamins jouant au foot, d'autres nous saluant joyeusement par dessus bord, des bergers et quelques chauffeurs confiants. Elle est incroyable cette vallée dans son absurdité. Une rivière, deux versants, deux routes, une de chaque côté ! Deux pays qui se toisent et qui s'observent à la jumelle. Une vallée qui depuis des dizaines d'années rassemble deux mondes qui politiquement ne souhaitent cohabiter : la limite de l'URSS, le début de l'influence britannique, théâtre du great game. Puis base avancée pour l'armée française pour envoyer ces troupes en Afghanistan...



la base : pause plov!

chaussure de memoire

piste afghane


parés pour la pluie!
Il en reste pas mal de miettes. Une présence militaire accrue, des traces de combat. Aucune mise en commun, une frontière au sens stricte. Une route taillée pour les camions chinois d'un côté, une piste façonnée à la main de l'autre, des lignes électriques qui n'enjambent pas le torrent, laissant les villages afghans dans la pénombre à la tombée de la nuit. De rares ponts, allez peut être 3 en 5 jours de vélo ?
Nous nous heurtons plusieurs fois aux bidasses de 20 ans, patrouille de 4 en tenue de camouflage arpentant la route. Bivouaquer pose problème mais uniquement à droite de la route, là où l'herbe est parfaite au bord de la rivière. Par contre à gauche de la route, c'est à dire à 5 m d'écart, pas de problème, c'est secure! Ça nous fait bien rire. Des villages mênent leur vie tranquille, des voitures circulent, nous n'avons jamais eu vent de problème avec les nombreux cyclotouristes qui empruntent cette route, et surtout avouons-le, nous avons du mal à accepter de recevoir un ordre et a s'y plier sans explication censée. Un coup, les militaires nous laisserons camper à condition de ne pas utiliser nos lampes (?! Rassurant !) Une autre fois, à 22h30 alors que nous remontons la fermeture de nos duvets, posés dans un coin bien abrité de rochers, ça recommence. Pendant 20 min, nous essayons de négocier, jusqu'à ce que le plus malin des capitaines arrive, et du haut de ses 26 ans nous ordonne de décamper pour aller dormir dans le café du village précédent. Le "I give you 2 minutes" est clair... Alexis et Maxime râlent et montrent leur agacement. Après 30 min de galère à plier et porter les vélos pour rejoindre la route, le café est fermé. Le capitaine nous propose d'y planter la tente. Alors on sort le sketch : je prend le relais du mécontentement et beugle qu'il est 23h,que je suis fatiguée et que j'ai pédalé 60 km ( argument de  choc) et que je ne planterai pas la tente à nouveau. Capitaine hésite et fini par nous proposer... Sa chambre ! Fou rire en se couchant à la caserne, Maxime et Alexis paradent en slip. Au matin, nous avons droit à un déjeuner militaire présenté sur un plateau d'argent, avant de restituer la piaule au capitaine qui a fini sa garde.

chef oui chef!

À Khorog, nous faisons un jour de pause avec un gros programme : réussir à bien gonfler nos pneus avec nos valves de chambre à air foireuses, trouver de quoi se chausser (nos petites baskets ne suffiront pas) installer nos protections pour les mains achetées en Iran ( moumoute pour scooter bricolées) prévoir du ravitaillement pour pédaler en autonomie, se renseigner sur les possibilités de trouver de l'eau. Ce sera chose faite : nous trouvons notre bonheur dans un magasin de seconde main certainement achalandé par une organisation canadienne. Nous dénichons des chaussures étanches au chausson de feutre, le pied ! Je rajoute une petite touche locale à l'équipement : une peau de mouton usée, finition zèbre en synthétique, qui prenait le soleil sur l'étalage d'un marchand afghan. Nous voilà équipés pour le grand froid, prêt à briser la glace si on a besoin d'eau!



"plus que" 740 km, courage Maxou


Jeudi 19 avril - Khorog - bivouac Nimos -70km 940d+ alt. 2800m
On part avec le soleil, la fleur au fusil. Dans quelques jours le plateau des Pamirs s'offrira à nous, enfin! On y a tellement pensé depuis le début du voyage... Nous voilà au pied de la partie du voyage que nous maîtrisons le moins, qui nous fait frémir le plus. Et Maxime qui a choisi de nous rejoindre précisément pour cette partie là, le grand malade! Et nous sommes heureux d'être 3 pour la suite. Nous redoutons le froid, la météo, l'isolement, les soucis mécaniques, notre réaction à l'altitude, le timing ( Maxime a un avion le 1er mai), et le col bien raide à 4600 m.
La montée se fait bien, nous roulons à 3 de front en papotant. Les gens qu'on croise ont le sourire, il fait bon. On trouve un relais routier rempli de camionneurs. On comprend vite que le col de Koitezep, le premier du plateau à 4270, est fermé ! Comment ça fermé ?! Là haut, il neige... On espère fort que les 2 jours dont nous avons besoin pour atteindre le col suffiront. En plus de cette nouvelle, quelques inquiétudes pour finir la journée : ma pédale prend du jeu et Alexis doit faire face à une panique gastrique. La tente est tout juste plantée qu'il se met calmement à neiger. On est à 2800m.


Route à la sovietique

printemps

Moumoute de sortie


Vendredi 20 avril - bivouac Nimos - Sanatorium Jilondi -65km 750d+ alt. 3500m
Après une bonne nuit bien au chaud dans nos duvets en plume, Alexis a repris du poil de la bête et ma pédale à apprécié la graisse. La route est bonne, on monte toujours mais on roule à 15km/h. L'après midi est plus rude : avec l'altitude on commence à avoir froid. Un 4x4 s'arrête, c'est la télé tadjik en reportage sur le tourisme local! Trop heureux de nous trouver, c'est parti pour l'interview au milieu de nulle part à 3300m. On est en plein vent, résultat on est congelé mais on a gagné un bonbon! Les sources chaudes de Jilondi sont les très bienvenues. Nous dormons dans les chambres de cet ancien sanatorium soviétique après un bon bain. Tandis que je serai seule dans mon bain d'eau bouillante, du côté des gars, ça taille la discute entre hommes nus et bien sûr ça finit en invitation au dîner à la vodka : Parpi et ses compères viennent étudier la population de yack. On a hâte d'en croiser !




encore 1000 m de positif!




Samedi 21 avril - Jilondi - bivouac à 15 km du col de koitezep - 44km 700d+ alt. 4200m
C'est aujourd'hui qu'on découvre le plateau ! Le col semble être tout juste ouvert, d'ailleurs on fait une pause thé chez le monsieur responsable du déneigement. C'est ouvert, mais c'est hard! La neige fond, la route est une coulée de boue, la pente est tellement raide dans les virages en épingle à cheveux, nous nous essouflons très vite et avançons avec peine. Alexis et Maxime ont le dérailleur avant qui gèle, il faut passer les plateaux à la main. À 4270 m, on découvre d'abord une grande étendue de neige et de glace à plat. Ça s'est pour l'entraînement, parce qu'ensuite ça descend dans les mêmes conditions. Je ne maîtrise ni le freinage ni la direction et me retrouve le vélo par terre 5 ou 6 fois. La 7 ème chute est une bonne plaque de verglas qui m'envoie dans le décor. Je suis à 2 doigt de craquer, le trophée Andros c'est pas pour moi. Heureusement une maison se dessine et la dame nous fait signe d'entrer. Super on a les crocs et on a froid, on cuisine donc nos pâtes au chaud ! Les pommes qu'on offre nous rendent un tel sourire que nous partons le coeur chaud.
Il est déjà temps de bivouaquer, difficile de s'abriter du vent. Jusque là la montagne est belle mais plutôt arrondie et désertique. Une pointe de déception. On a hâte de pédaler la suite et découvrir ce qui fait la renommée des Pamirs.



on note le style de la protection plastique en nappe de pic nic




moumoute chauffe main

double chute

revision d'anglais

relais radio, seul contact avec le reste

bien au chaud



Dimanche 22 avril - col de koitezep - plateau d'alichur traces de yourtes - 73km 450d+ alt.3900m
La nuit a été bien fraîche. Un -18° sur notre thermomètre de poche! Nos vélos sont toujours gelés de la veille : rayons, dérailleurs, patins de freins. Nous entreprenons un decrassage-fonte au soleil. Une bonne matinée de vélo nous attend pour atteindre à 45km un peu de répit dans le café du village d'Alichur.
Nous attendions un tout petit minimum de bitume mais non... La boue, les cailloux, la neige, et encore les cailloux seront de la partie. C'est épuisant. Puis comme toujours le bitume finit par revenir, les épaules se détendent, les râleries s'estompent et la bonne humeur revient. Mais alors qu'on se relâche pour admirer les lacs qui se dessinent devant nous, paf! Un rayon de Maxou qui pète sans prévenir... 3 petits rayons cachés par les saccoches n'avaient pas été dégelés : coupé net au niveau du pas de vis. Une bonne activité pour la journée de repos de demain!
Nous apercevons des igloos au bord d'un lac et en arrivant au village d'Alichur, la rivière est recouverte d'une véritable banquise! Sous ces airs d'Alaska, nous sommes ravis de l'énorme poté gardé au chaud sur le poêle du café du village. Quelques camions s'arrêtent, 6 ou 7 par cabine. Ici ils font aussi office d'autobus.
Et pour compléter le  tableau, il ne nous manquait plus qu'à croiser un Esquimau. Aussitot dit, un jeep s'arrête pour nous saluer, nous faisons la connaissance d'un américain d'Alaska partageant son temps entre les contrées glaciales du Pamir et d'Alaska. Une autre voiture s'arrête, c'est le copain des bains de Jilondi, il s'empresse de se débarrasser d'un énorme sac de reste de banquet: os et carcasse de mouton et pain au gras. On a quelques scrupules mais on a pas envie d'avoir la visite de charognards nocturnes. Dans un univers aussi rude, de la nourriture abandonnée sera du pain béni même pour la dernière des fourmis.
Le vent se lève impossible de trouver une zone à l'abris du vent. On aperçoit au milieu du plateau quelques murets de pierre. Au sol des pierres disposées en cercle marque l'emplacement des yourtes, il y a un four et un poulailler, ce sera suffisant pour nous protéger du vent. Au fait, bon anniversaire maman !


- 18


banquise

elle envoie cette potée

technique de grand mere anti froid


Lundi 23 avril - plateau d'alichur, bivouac sur les traces d'un camp de yourtes - Murghab 80km -300d+ alt.3600m
Alors que nous avançons tranquillement sur le plateau d'Alichur, tout en s'extasiant devant le jaune de la prairie, le blanc des montagnes à 5000 m sans en avoir l'air et le bleu du ciel qui nous offre un soleil réconfortant, nous apercevons deux petits points noirs à l'horizon. Pas besoin de sortir les jumelles, on nous avait averti de 2 cyclos belges arrivant depuis la Chine. On regarde perplexe, les points noirs qui semblent faire demi-tour et filer dans la même direction que nous. On accélère, on a très envie de croiser des cyclos, c'est qu'ils se font rares en cette saison. Quelques minutes plus tard, un jeep apparaît et semble discuter avec les silhouettes, chouette on va pouvoir les rattraper. Le temps de les rejoindre les saccoches ont déjà disparu à l'intérieur du véhicule. Ce sont bien les cyclos belges qui nous dévisagent et nous lancent très sérieusement qu'ils ont cru qu'on était des loups! On pense à une bonne blague belge, on passe à autre chose, mais on comprend rapidement qu'on les a effrayé, qu'ils ont fait demi tour à toute vitesse pour nous échapper. La région serait "infesté" de loup et ils en auraient aperçu 2 à la frontière chinoise. A Murghab, notre destination, il semblerait qu'on les ait fait flipper à ce sujet : si tu rencontres un loup c'est 50-50 de chances de s'en sortir !
On continue notre route en rigolant, c'est nous les loups à roulettes, et on aimerait beaucoup en apercevoir un. On passe le col du jour à 4200m sans s'en rendre compte, on est au bout du plateau, la route commence à serpenter entre des massifs magnifiques tous plus beaux les uns des autres. On vise le café yourte qui devrait être nickel pour midi. Nos réservés de nourriture sont vides. C'est un peu tôt pour la yourte mais le couple qui habite la maison se transforme volontier en cuistots...ce qui nous permet de découvrir le menu quotidien pamiri au début du printemps : du pain qui se conserve le plus longtemps possible, un bouillon au gras de mouton pour ramollir le pain, du kéfir de lait de chèvre, du beurre de yack bien jaune. On est content de penser à la perspective qu'ils auront de pouvoir diversifier leur menu avec nos quelques somonis laissés en échange.
L'après-midi passe un peu moins vite pour moi : j'ai l'impression de ruminer le beurre de Yack et mon ventre se raidit à chaque coup de pédales, indigestion ou altitude? L'histoire ne le dit pas. Heureusement le spectacle d'un paysage très varié me fait tenir le coup et nous avons la chance observer des troupeaux d'ibex, chèvres sauvages aux très longues cornes, capables de caracoler sur les versants les plus abruptes. 
Montagne enneigée, versant sud ensoleillé, amas de rocher, vallonné, parfois d'un rouge qu'elle semble saigner, parfois rayée à la verticale, ou laissant la place à des colonettes érodées, on apprécie le bitume qui nous permet de rester le nez en l'air. Puis au détour d'un virage, l'ouverture sur un nouveau plateau, très jaune, sillonnée par des eaux turquoises et moucheté de troupeaux qui prennent le chemin du retour, nous voici enfin à mi-parcours, dans la ville de Murghab. On atterrit au Pamir Hôtel, Tarip le manager est à la cool et parle bien anglais. En faisant sa connaissance, nous comprenons son humour pince sans rire, et il nous parle des Belges. Le voilà le conteur de loup !
Nous passons à l'heure kirgize sans trop poser de question, ce qui nous permet d'être une heure plus tôt au fond du lit.



miam...






Mardi 24 avril - Murghab
Après 4 jours d'ascension et d'efforts sur les pédales, nous profitons de cette journée de pause pour glander un peu. Nous passons tout de même 2h à dévoiler la roue de Maxime et à bichonner nos vélos. Plov à midi, ça faisait longtemps qu'on en rêvait, balade à pied dans la lande de Murghab, et ravitaillement au bazar. Chaque échoppe se trouve dans un container, ce qui donne une drôle d'allure à ce bazar ! Un petit côté portuaire. La ville de Murghab a moins de 100 ans et quelques milliers d'habitants, surtout en hiver, lorsque les yourtes sont rangées et les troupeaux à l'étable. Ce qui est un peu frappant, c'est les conditions de vie à 3600 m d'altitude. Pas d'électricité, des rues en terre cabossées, pas d'eau courante, des pompes sont installées tous les 200 m. Oh que l'hiver doit être rude...

marché


nettoyage de printemps

pont recyclage : chassis pilier


Mercredi 25 avril - 62 km 600 d+ Pamir Hotel Murghab- bivouac a côté d'un ruisseau à 4200m
Nous quittons le Pamir Hôtel avec le soleil et le vent dans le dos. La route est bonne et nous dépassons une multitude de montagnes. Nous avalons 43 km sans les sentir passer et nous nous autorisons même une sieste au soleil après le pic nic. Il nous reste 20 km à parcourir avant de bivouaquer au pied du col le plus haut de notre périple : 4655 m, un petit Mont Blanc quoi! Sauf que pendant notre sieste, le vent a tourné ou plutôt décide de tourner... dans tous les sens! On y comprend rien mais on sent que ça tire, sans oublier notre souffle court lié à l'altitude. On voit même se former des petites tornades de poussière. Le vent pousse des nuages qui commencent à dangereusement s'accumuler. On avait checké la météo, pas de précipitation de la semaine. On croise les doigts pour que ça tienne, passer le col demain à 4600 dans la tempête, c'est pas ce qu'on fait de mieux! Côté paysage, c'est étrangement désertique, petite pensée pour le désert iranien. Depuis quelques km on aperçoit une clôture serrée sur note droite. On trouve ça bizarre de clôturer la montagne, mais on réalise que nous sommes en train de longer la frontière chinoise ! Deja la Chine ! Sensation étrange dans cette montagne où nous savourons notre liberté de longer des km de barbelés...
On déniche finalement un ruisseau abrité du vent, et nous installons notre campement sous l'œil du sommet enneigé voisin, culminant à 5100 m. Un nuage et ses flocons fait irruption, nous montons la tente en 2 2. A cette altitude, la météo est bien capricieuse. Nous finirons néanmoins la journée autour d'un feu de camp ( oui, nous avons trouvé quelques racines à brûler à 4200m d'altitude !) à déguster notre délicieuse purée saucisse maison. 

cool


galeriens


Jeudi 26 avril - bivouac ruisseau, bivouac goulag - 50 km d+ 500
Journée plein la vue, plein les pattes ! Aujourd'hui on démarre tôt parce que c'est aujourd'hui qu'on passe le fameux col à 4655 m. Celui qui depuis le départ plane dans nos esprits. Comme à son habitude, la nuit a été fraîche. Le glouglou du ruisseau qui nous berçait hier soir n'est plus. Au réveil, le ruisseau est totalement figé, et nous déjeunons un café à base de glaçon de ruisseau fondu, et tartines de glace miel-nutella. Après 12 km de pente douce et quelques pauses, nous attaquons le dur du sujet : les 300 derniers mètres pour atteindre le col d'Ak baital. La route est meilleure que ce à quoi on s'était préparé après le col de koitezep. Après 15 min d'effort, mon pneu choisi de se dégonfler... Ah la crevaison à 4400m! Heureusement on a encore du souffle et après 25 min de bricolage c'est reparti. On arrivera en haut totalement essoufflés mais avec la joie d'être arrivés si haut. Le sommets en noir et blanc nous narguent. On aperçoit des mastodontes qui s'élancent fièrement dans le bleu du ciel, probablement à plus de 6000 m.
La descente ne sera pas une récompense mais plutôt 20 km de piste en tôle ondulée le genre de route plutôt "tape cul" comme on dirait dans le jargon. Heureusement les montagnes qui s'enchaînent lentement ravissent nos mirettes. Alors que l'asphalte revient c'est le vent qui a décidé de s'y mettre, glacial et bien de face. On rattrape malheureusement le barbelé tadjiko-chinois, et on décide de poser la tente au seul endroit où nous pouvons nous abriter du vent : un trou de buldozer dans une colline de poussière. C'est pas tous les jours le bivouac des rêves ! On se glisse vite dans nos supers duvets, à 22h, il fait déjà -10°!



au sommet du voyage : 4655 m

on sort les masques


Vendredi 27 avril - bivouac "goulag" - bivouac " vallée de la mort" 56 km 300d+ alt. 4200m
Le thermomètre indiquera -18°, mais le rayon de soleil tardif nous réveille. Après le premier virage, on aperçoit tel un mirage, le lac de Karakol tout blanc alors que nous l'attendions émeraude. C'est un lac salé et pourtant il est gelé. Nous passerons une bonne partie de la journée à le contourner. C'est un des des plus hauts grand lac du monde, devant le lac Titicaca! 3915 m. 
Karakol. Le village semble abandonné, la caserne militaire désertée et le poste de contrôle en ruine. Pourtant il suffit de prendre une ruelle, et plein de gamins à vélo nous escortent jusqu'à la pompe à eau. Nous sommes contents de faire le plein, l'eau du ruisseau de neige fondue était plutôt opaque.
Après le repas, nous ne traînons pas. Encore 20 km, puis commence la montée du col du jour à 4232 m. Celui-ci ne devrait pas poser de problème, goudronné et pas trop raide. Les paysages sont incroyables. D'un seul regard nous embrassons sur notre gauche le lac gelé, plus loin le pic Lénine à 7134m et ses camarades à 6000, à droite des dunes de sable, devant un énorme glacier, au loin des tornades de poussière qui se déplacent en dansant, sans oublier notre éternel barbelé du noman's land chinois... Incroyable ! 
Mais c'était sans compter un vent à décorner les yacks qui nous arrive finalement pleine face. La montée du col n'en fini plus, nous voilà presque à 3km/h. Nous nous rappelons alors la description du guide que nous avions lu la veille: "entre 2 cols à 4200m dont le deuxième marquant la frontière avec le kirgizistan, se trouve la vallée de Markansou soit la vallée de la mort... Sèche, glaciale, ventée, on y a retrouvé chevaux et chameaux momifiés par le froid, témoins de la route de la soie. On raconte que les fantômes des prisonniers qui ont construit la route ralentissent les véhicules".  
Les carcasses de bétail au bord de la route et le vent nous mettent vite dans l'ambiance. Nous passons le col frigorifiés par le vent glacial. Nous entamons la descente pour espérer nous mettre à l'abri, mais voilà que nous sommes en moulinette en descente et que nous n'avançons pas! Une maison en ruine: pas d'hésitation on plantera la tente ici. Demain sera notre dernier jour tadjik avec un dernier col à 4300m et nous quitterons les Pamirs !

les cornus 
cimetiere, queue de cheval en memoire




puree c'est dur

glamour


Samedi 28 avril - bivouac vallée de la mort - homestay Sarytash - 68 km 400d+ alt.3150
Le soleil est au rendez-vous, le vent est tombé, la journée s'annonce belle. Hier nous nous sommes arrêtés au km 13998. A deux km du depart, nous prévoyons notre traditionnelle photo des 1000. Nous avons dormi au col, donc la route descend, il n'y a pas de vent et elle est bitumé, ce qui n'est pas souvent au menu dans les Pamirs ! Je m'y élance derrière Alexis en lorgnant sur mon compteur pour ne pas dépasser les 14000. Et crrrrrr.... Je n'ai pas vu le beau nid de poule, mon chargement bascule sur la droite, ma saccoche s'envole,et traine sur le sol le temps que je freine. Résultat : la fixation est en 4 morceaux. Allez hop photo des 14000 puis c'est parti pour l'atelier bricolage au milieu de la vallée de la mort. "on peut y rester quelques heures comme plusieurs jours" nous avait prévenu notre bouquin!
Alexis et Maxime assemblent leurs idées de génie et voilà ma saccoche réparée à partir d'un morceau de câble en cuivre de la ligne électrique défoncée à quelques mètres de là et de scotch d'électricien. Ça a l'air costaud ! Heureusement parce que la route qui nous attend va pas mal nous secouer.

A 14 000 km, y a tout qui pete! ( saccoches et thermometre)

reparation de cuivre, ma saccoche prend de la valeur!


Elle est pas si déserte cette vallée de la mort, c'est sûrement ici que nous aurons observé le plus de vie sauvage : d'abord 5 aigles majestueux passent au dessus de nos têtes. Une fois passée, la famille marmotte sort de son trou, grosses à souhait, pelage rouge et queue noire. Il y a même un papillon qui s'est perdu ici.
On arrive finalement à la douane tadjik, totalement défoncée, à moitié abandonnée. La pièce contrôle des passeports sent fort l'opium. Les gars sont sympas. Ils nous indique le poste de douane kirgiz à 25km! Nous n'aurons jamais autant roulé sans être officiellement en règle. Nous voilà à l'assaut des derniers mètres du col de Kizil art à 4285m. Une fois franchi se referme derrière nous ce grand et mémorable massif  des Pamirs. Les paysages sont toujours blancs et grandioses en fond, mais ça devient plus vert. On arrive enfin à la douane kirgiz. Tout se passe bien, sauf que nous devons abandonner nos trophées souvenir. Bye bye la corne de bouc de Turquie. Les paysages jusqu'à Sarytash sont magnifiques, mais la route nous semble longue. Pas d'hôtel en vue pour fêter notre descente alors on accepte la proposition du premier venu qui s'improvise Hôtel. Pas de salle de bain, on aura droit à un décrassage mérité accroupi dans une bassine en plastique !

frontiere de hobbit!


collector

descente  kirgiz

ce qu'on laisse derriere nous

bonne nuit!

Commentaires

  1. Impressionnant récit d'altitude fait de plusieurs jours de galère, de froid, de vent et de neige.......
    Bravo, cela constitue une sacré prouesse.
    Tout est très bien raconté : Les corps qui souffrent et qui résistent et les 2 roues qui n'ont jamais connu de telles conditions de fonctionnement.
    Et vous passez .........
    Merci pour tous ces commentaires passionnants
    Bises
    .

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  2. Ouf... âmes sensibles s'abstenir....
    Presque du "Alfred Hitchcock"!..
    Du suspense, des peurs, des appréhensions, mais un programme qui a tenu le choc.
    Bravo encore pour cette épopée ..
    Bisous

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  3. Ouah les aventuriers et l'aventurière ! Un seul mot : vous êtes des malaaades !!! (et vous nous faites bien rêver !). Prenez soin de vous et de vos montures !

    D.

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    1. Hey! T'inquiètes on se bichonne aussi! On se donne vite des news par mail, bisous

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