Pamirs d'avril - Prélude

Tadjikistan, frontière Ouzbek - Douchanbe - Kalaikum // Début Avril 2018

Et c'est pas un poisson ! D'autant plus que nous sommes largement au dessus du niveau de la mer, à 4000 m d'altitude en moyenne. Les Pamirs c'est un peu une petite excroissance de l'Himalaya, un massif et des plateaux magnifiques traversés par la mythique M41, la Pamir Highway. Nous choisissons donc de nous aventurer sur cette route pour relier, non sans détour, Douchanbé, au Tadjikistan, à Osh au Kirgizstan. Pour se faire, Maxime ( le frangin) a décidé de mettre son vélo dans un carton et de nous rejoindre en avion. 

Voilà un peu vers quoi nos pensées vagabondent lorsque nous entrons au Tadjikistan. On est le 3 avril. Nous resterons à Douchanbé jusqu'au 8 avril, afin de préparer au mieux notre expédition, puis nous aurons 5 jours de vélo pour atteindre le point de rendez-vous familial : Kalaikoum.

Nos premières impressions tadjiques sont assez étonnantes. Alors que nous venons de la campagne ouzbèk, aux infrastructures bien défoncées, le Tadjikistan est étrangement pimpant et moderne! Asphalte on ne peut plus lisse, bosquets fleuris et gazon tout au long de la route, voitures flambantes, et surtout d'immenses affiches tous les 5m pour mettre un scène un monsieur à l'air occidental, à la bonne mine et aux sourcils fournis, j'ai nommé monsieur le dictateur bien-aimé depuis plus de 20 ans! Nos vélos nous mènent à Hissar pour faire la seule visite historique que nous ferons au Tadjikistan. Une belle forteresse joliment rénovée, mais qui abrite un mini parc d'attraction. 
Ayant du mal à trouver notre chemin et à nous faire comprendre, nous saisissons à pleine main la perche tendue par un énorme 4x4 qui nous demande dans un anglais impeccable "Do you need help?" "Yes!!! We are looking for the castle!" .... blablabla ... " And do you know if we can camp there?" On est pas loin de Douchanbé, dans la plaine, et trouver un spot bivouac ne s'annonce pas simple. "You can come to our place!" " Oh nice, do you have a garden?" "No but we have a very big house, you can sleep there!" Génial, Tara et Djamched ont aussi un sauna, une piscine en construction, une salle de sport, une chambre avec un king size bed et une salle de bain juste pour nous. Qu'est-ce qu'on apprécie ce confort ! Mais le confort n'exclut pas la tradition : la soirée est originale, puisqu'Alexis est invité à une grosse chouille chez le voisin, tandis que je passe la soirée à la cuisine avec les femmes et les enfants. Ceci dit, Tara est professeur d'anglais ce qui me fait une belle entrée en matière pour découvrir ce pays et sa culture, tandis qu'Alexis devra user de son talent de comédien pour faire comprendre à ces copains de ralentir la cadence de bolinettes de vodka.
Ambiance chargée

Ambiance plus soft

Je découvre donc que suite à l'effondrement du bloc soviétique, le Tadjikistan vit 10 ans de guerre civile très meurtrière ( et absolument pas médiatisée. Quelqu'un s'en souvient ?! c'est pas vieux pourtant). Tara me raconte, écoles fermées pendant plusieurs années, pas d'électricité, la fermeture de la frontière avec l'Ouzbékistan alors que Boukhara et Samarkand sont majoritairement tadjikes, la discrimination des Pamiris, etc... Devant mon interrogation face à l'omniprésence d'images présidentielles sur les 30 premiers km, Tara m'exprime son profond respect pour son président-dictateur-depuis-plus-de-20-ans ( auparavant à la tête du parti soviétique au Tadjikistan) C'est lui qui a trouvé une issue à la guerre civile et qui a permis au pays de se moderniser. Effectivement Douchanbé tient très bien son rôle de façade, ce qui nous rappelle de manière moindre le Turkménistan. La ville ressemble à un grand parc où l'on aurait disposé des bâtiments dedans. Tout pour exprimer la grandeur : allées monumentales, statues géantes, bâtiments gouvernementaux immenses, parterres fleuris sur des hectares.

La pastèque





 Dire qu'il y a 30 ans Douchanbé n'était qu'un village qui portait le nom de son jour de marché. Douchanbé veut dire lundi! Intéressant de percevoir comment chaque ancienne république de l'URSS prend son chemin vers le 21eme siècle et gère la transition post-soviétique. Étrange de penser que le Tadjikistan est le pays le plus pauvre d'Asie centrale, ayant pour seule ressource naturelle la réserve d'eau alimentée par les Pamirs. Que très peu de jeunes ont la chance d'aller à l'Université, que certains ecoliers marchent 12 km pour aller à l'école, qu'une femme non mariée et donc sans enfants n'est pas considérée par la société.
Trojan et Natasha qui nous hébergent viennent ajouter quelques observations à ce tableau : pas de liberté de presse, interdiction de fumer dans la rue, interdiction de porter la barbe si tu as moins de 60 ans, interdiction de donner un concert même dans un bar si le groupe n'est pas validé par le gouvernement. À côté de ça, Douchanbé est une petite ville paisible et agréable à vivre. Et comme partout il y a la loi, et comment on vit avec : à défaut de concert dans un bar, nous irons à une soirée bœuf dans un appartement ! 

La reprise de nos vélos nous rapproche de la réalité tadjike. Nous avons 5 jours de vélo pour nous enfoncer  dans les confins du Tadjikistan et nous rendre à Kalaikoum où Maxime nous retrouvera après 8h de 4x4.
Nous nous éloignons de Douchanbé, à travers colinettes verdoyantes, lacs, tunnels et déjà routes de montagne. Nous sommes en avril et devons composer avec quelques giboulées de printemps, histoire de pas faire rouiller nos K-Way.

Lac de Vakhch



À 13000 km, au Tadjikistan l'herbe est bien verte

Nous apprécions cependant la promenade et bien sûr l'hospitalité rurale. Après plusieurs refus afin d'avoir la possibilité de planter notre tente dans des spots rêvés, nous atterrissons un soir de pluie chez Amir Ali. Notre farsi nous sauve et nous dormons en compagnie d'une petite hirondelle, sans mauvaise surprise au réveil. Quoi que la béchamel à l'huile au petit déjeuner met à mal notre capacité d'adaptation !  Le farsi, voilà une chose que les Tadjiks se plaisent à raconter. Contrairement à leurs voisins, les Tadjiks ne descendent pas des tribus Turco-mongoles mais indo-européennes. Les faciès sont peu bridés, leur langue est un dérivé de la langue persane et selon la légende, ils seraient d'ascendance grecque ! Vraiment ? Alexandre le Grand, encore celui-là, rencontrant quelques difficultés dans la région, décida de se marier avec une princesse de Bactriane afin d'assoir sa légitimité. Cela ne suffisant toujours pas, il ordonna de tuer tous les jeunes hommes en âge de se marier et permis à chacun de ses soldats d'épouser une femme tadjike. Ainsi les Tadjiks seraient les descendants d'Alexandre. D'ailleurs il n'est pas rare de croiser des petits blondinets.
Hirondelle

Papy a plus de 60 ans!


Après un sacré col, dans lequel nous resterons pas moins de 3h pour venir à bout de 1500m de dénivelé, nous découvrons une magnifique vallée plongeant enfin sur l'Afghanistan. Une des plus belles routes  depuis le début de notre voyage : un paysage à couper  le souffle,  des gorges vertigineuses, de l'asphalte toute neuve qui nous permet de pédaler le nez en l'air. Nous suivrons le Panj, rivière faisant office de frontière pendant une semaine par la suite. Mais sans asphalte cette fois-ci, et c'est bien plus éreintant.
Au col

Fissure, disparition de la route


Spot bivouac vue à 360 sur l'Afghanistan

Village afghan

Disparition de la route

Vallée du Panj

Coucou Jack


Pause rustine! On commence à gérer

La dernière journée avant Kalaikoum nous semble interminable. Devant l'impatience de retrouver Maxime, les km ne défilent pas. La route est plus que mauvaise, et avec 13000 km au compteur nos pneus ont quelques faiblesses et on a droit à une crevaison. Nous arrivons à temps et Maxime aussi après moultes aventures. On fête les retrouvailles avec les trésors que Maxime a planqué dans son sac : Champagne et Beaufort s'il vous plaît !


Commentaires

  1. Sacrés goûts déco les Tadjik ! Tapis, tapisserie et canapé ne font pas bon ménage.
    Mais c'est sympa de vous avoir accueilli !

    Les photos d’Afghanistan font rêver, surtout le spot bivouac 360.

    Vive le Champagne et le Beaufort, et on attend la suite avec impatience !!!

    RépondreSupprimer
  2. Mouhahahhahahah
    allez les cycleux!!
    Longue est la route.
    je vous embrasse . Maxime (de Toulouse)

    RépondreSupprimer
  3. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire